Le président de Lonsdale Group explique comment les marques, devenues “métamarques”, structurent désormais toute l’entreprise autour des enjeux RSE de l’époque

 

“Parce que vous le valez bien” : le plus célèbre des slogans de L’Oréal porte depuis 50 ans des produits, mais aussi – et de plus en plus – des valeurs. Des géants de la tech à l’automobile en passant par l’agroalimentaire, les marques ne font plus seulement que façonner nos habitudes de consommation, elles modèlent nos représentations et se posent en acteurs du bien commun. Spécialiste de la marque, le multi-entrepreneur Frédéric Messian s’est penché dans son essai ‘Metamarque’ sur la façon dont les transformations écologiques, sociales et sociétales structurent les entreprises et les marques d’aujourd’hui, pour englober la multitude d’enjeux qu’elles désignent. Après de nombreuses années à la tête d’agences créatives, l’expert en communication rachète en 2007 Lonsdale, agence de branding et de design, et définit la marque comme la colonne vertébrale de l’entreprise.

 

Qu’est-ce que ce concept de métamarque qui fait le titre de votre dernier ouvrage ?

Nous constatons depuis une vingtaine d’années que le concept de marque, initialement imaginé comme un outil ou un concept marketing et commercial, change de nature pour s’adapter naturellement à l’environnement dans lequel les entreprises évoluent. Celles-ci incorporent désormais dans leur stratégie des considérations sociales, sociétales et environnementales afin de satisfaire les différents publics auxquels elles s’adressent. En ce sens, elles se transforment en métamarques. Les marques deviennent des acteurs du bien commun en intégrant dans leur stratégie les enjeux de notre époque, qu’il s’agisse de la santé, de la mobilité ou, plus récemment, du social. Elles sont des agents extrêmement écoutés et influents sur des sujets qui dépassent de très loin leur pré carré d’origine.

 

Comment et pourquoi les marques mutent-elles vers ce modèle ?

L’entreprise Michelin annonçait récemment la mise en place “d’un salaire décent” pour ses employés, une thématique qui dépasse de très loin son objectif commercial pour prendre à cœur des thématiques typiquement sociétales. Decathlon passe aujourd’hui par le prisme de la marque pour légitimer son repositionnement [autour de l’impact positif pour l’environnement, le sport bon pour la santé et l’inclusion, entre autres, ndlr] ; ce biais fédère efficacement les parties prenantes autour d’une même vision commune.

 

“Peut-on alors imaginer actuellement qu’une entreprise s’exonère de toute considération sociale, sociétale ou environnementale ?”

Il existe une multitude d’exemples, mais prenons la question à l’envers. Peut-on alors imaginer actuellement qu’une entreprise s’exonère de toute considération sociale, sociétale ou environnementale ? Nous reprochons aujourd’hui à l’entreprise Boeing de n’être qu’un simple agent économique à la recherche de performance au détriment des aspects sociaux, sociétaux et environnementaux. Mais tous les secteurs ne sont pas concernés par ce phénomène. Hormis les Gafa, les grands acteurs de la tech sont dans des situations parfois paradoxales : aussi innovants soient-ils, ils n’intègrent pas encore toutes ces réflexions extra-business. C’est le cas de Tesla, par exemple. Google ou Amazon tendent de leur côté à devenir des métamarques en intégrant dans leur discours des thématiques telles que leur impact sur l’environnement et les consommations d’énergie que représentent leurs activités.

 

Le périmètre de ces marques n’affaiblit-il pas celui des pouvoirs publics ?

Pendant longtemps, philosophes, écrivains et hommes politiques portaient haut et fort des convictions extrêmement précises sur des thèmes novateurs qui visaient au bien de l’humanité. Ces voix se sont peu à peu tues et ont été remplacées par des influenceurs en exil à Dubaï. La nature ayant horreur du vide, les marques ont pris le relais. Elles défendent des points de vue de nature quasi philosophique au sujet de grands enjeux sociétaux. Cependant, si elles doivent être des contributeurs au débat, elles ne doivent en aucun cas l’arbitrer. Qu’il s’agisse des industries, des pouvoirs politiques ou des grandes voix philosophiques, chacun doit rester dans son périmètre légitime.

“Cette quête de sens ne doit pas empiéter sur la désirabilité d’une marque ; il est primordial qu’elle reste intelligente et séduisante”

 

Quels sont les principaux enjeux et défis des marques pour les années à venir ?

Toutes les parties prenantes doivent être convaincues par le projet qu’expose la marque, quels que soient leur fonction et leur niveau dans l’entreprise. Les propos et les actions d’une entreprise doivent être sincères et crédibles. Lorsqu’une firme abuse de cette sincérité, la sanction peut être violente : les collaborateurs démissionnent, les actionnaires vendent leurs parts, les banquiers arrêtent de financer les projets… Mais cette quête de sens ne doit pas empiéter sur la désirabilité d’une marque ; il est primordial qu’elle reste intelligente et séduisante. Le concept de marque a dépassé les frontières des spécialistes du marketing et de la communication ; aujourd’hui, il pilote le business. D’ailleurs, en ce sens, certaines fonctions se créent : la direction de la marque dépend du CEO, et non du marketing ou de la communication. Aujourd’hui, les termes “marque” et “entreprise” se confondent étroitement pour ne faire qu’un. Pourtant, les écoles de commerce ou d’administration qui forment les élites françaises ne placent pas la marque au centre de leur enseignement, alors que sa maîtrise est aujourd’hui un savoir central pour un CEO.

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