Tribune signée Frédéric Messian

parue dans la 7ème édition du Yearbook by Shortlist de CB News

Ces dernières années ont été marquées par l’émergence de toujours plus de nouvelles marques. Les chiffres de l’INPI le démontrent : 2021 a encore été une année record en termes de dépôts de marques, en hausse de +6,5% vs. 2020. Cette nouvelle augmentation pose plusieurs questions, notamment pour les directions marketing.

LA CONSTRUCTION D’UNE MARQUE APPARTIENT AU TEMPS LONG ET EXIGE DES INVESTISSEMENTS SIGNIFICATIFS

La première question, et c’est un point fondamental, est de définir ce qu’est une marque et quelle est sa finalité ultime. Une marque est un actif précieux. La construire et la développer exige du temps et des investissements. Sa pérennité et sa compétitivité sont le résultat de la mise en cohérence de sa mission avec les univers réels et imaginaires qu’elle bâtit. Une marque n’existe durablement qu’à la condition d’exprimer une singularité et une vision particulière du monde. Dès lors, et alors que les moyens sont souvent de plus en plus contraints, toute offre, tout nouveau service, tout nouveau produit ont-ils vocation à devenir une marque ?

La deuxième question, forcément liée, est celle de l’allocation des moyens et des arbitrages à effectuer, alors qu’une marque doit de plus en plus s’engager, concilier performance économique et intégration des meilleures pratiques sociales, sociétales et environnementales, à court terme comme à long terme. La marque n’est plus seulement la vision d’une entreprise, elle rejoint aussi les attentes de ses parties prenantes, et celles-ci sont nombreuses et de plus en plus radicales. Comme le dit Jeff Bezos : « Votre marque, c’est ce que les gens disent de vous quand vous n’êtes pas dans la pièce. »

L’INDISPENSABLE ALIGNEMENT ENTRE PROMESSE ET EXPÉRIENCE DE MARQUE

Or, pendant des années, avant la montée en puissance puis la domination des réseaux sociaux, l’exercice de réflexion sur la marque et l’expérience de marque se faisait, non pas à l’aveugle, mais souvent à sens unique. Désormais, et plus que jamais, les marques doivent s’assurer que l’expérience qu’elles proposent sur l’ensemble des points de contact soit alignée avec leur promesse, car tout décalage notable entre les deux provoque une sanction immédiate des consommateurs. Une étude récente d’Harris Interactive montre la puissance de ce phénomène : pour 68% des consommateurs, deux ou trois mauvaises expériences suffisent pour abandonner une marque. Un mauvais alignement, autrefois considéré comme de l’incompétence, est analysé aujourd’hui comme un « abus de confiance ».

LA MARQUE, UN OUTIL DE MANAGEMENT À DESTINATION DE TOUTES LES PARTIES PRENANTES, INTERNES ET EXTERNES

De ce fait, il devient nécessaire de parfaitement en maîtriser le process, de la construction du positionnement à son activation dans une expérience engageante, en passant par le design de ses grands marqueurs identitaires. De plus en plus, les marques donnent une direction aux organisations et à l’ensemble de leurs parties prenantes. Elles sont enfin comprises comme créatrices de valeur et constituent plus que jamais le patrimoine culturel des entreprises. Les marques doivent travailler leur singularité, c’est-à-dire leur capacité à se distinguer dans un contexte concurrentiel intense où les algorithmes nous renvoient perpétuellement à ce que nous con-naissons et aimons déjà, où la curiosité se fait rare et où les repères s’estompent. Elles doivent construire des territoires attractifs et distinctifs.

L’ÉMERGENCE DE NOUVEAUX RÉFÉRENTIELS

Alors certes, une part de l’expérience aura toujours un risque d’échapper au contrôle de la marque : du fait de contraintes techniques, industrielles, et du mouvement d’interaction permanent avec les consommateurs, notamment avec les réseaux sociaux, mais pas seulement. Ils projettent également un certain nombre de critères selon l’image qu’il se font de la marque : on attend d’un vendeur d’une enseigne de sports qu’il soit lui-même pratiquant de telle ou telle activité, avec une expertise personnelle et plus d’empathie. Les attentes des consommateurs sont devenues plus grandes et plus fluides, à mesure qu’ils comparent les expériences de marques au global et non plus seulement entre concurrents. Ils ne comparent plus seulement l’expérience de la Société Générale avec celle de la BNP, ou encore de Revolut, mais ils la comparent aussi avec celle d’une compagnie aérienne de référence pour sa qualité de service ou d’un Airbnb… Et c’est un formidable champ d’inspiration et d’exploration pour les marques et leurs conseils.

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